D’où viennent les merveilleuses couleurs des papillons ?
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D’où viennent les merveilleuses couleurs des papillons ?

Serge Berthier, Sorbonne Université

Dans de nombreuses civilisations, la Nature est plutôt source de matières premières que d’inspiration, mais, sous la double contrainte de notre expansion démographique et de l’épuisement des ressources, les choses commencent à changer. Exploiter les richesses naturelles de manière plus vertueuse, plus respectueuse de la planète et résiliente – c’est très précisément ainsi que fonctionne spontanément la nature.

Alors que nous utilisons l’ensemble des éléments chimiques existant, la nature n’en utilise pratiquement que six : les CHNOPS (carbone, hydrogène, azote, oxygène, phosphore, soufre). Et pourtant, quelle efficacité dans ses réalisations ! La nature nous montre une autre manière de procéder. La bio-inspiration fait aujourd’hui partie des pistes de recherche très actives pour assurer notre futur sur terre. Une exposition permanente à la cité des Sciences et de l’industrie présente les fondements de cette démarche et des exemples de réalisation dans tous les domaines.

La couleur, une composante universelle de notre environnement, en est un très bel exemple. Les papillons nous montrent la voie !

La couleur n’est pas une grandeur physique mesurable, mais une impression créée par le cerveau sous l’effet de différents signaux visuels. Personne, y compris au sein d’une même espèce, ne perçoit les couleurs de la même manière et il faut, quand on imagine les réactions de papillons à leurs propres couleurs, se méfier de tout anthropocentrisme. Par exemple, beaucoup d’espèces animales voient en noir et blanc, et ceux qui voient en couleur ne voient pas la même chose que nous. Les insectes par exemple voient peu le rouge, mais sont sensibles aux ultraviolets.

Des pigments dans les écailles

Les pigments sont des molécules qui absorbent une partie du spectre visible pour ne laisser voir que l’autre partie. Un pigment qui absorbe le bleu et le violet par exemple ne réfléchira que les autres couleurs qui composent la lumière blanche, et apparaîtra plutôt rouge.

Les pigments assurent l’immense majorité des couleurs « chaudes » (du rouge au jaune). Plus une molécule est grande, plus les longueurs d’onde qu’elle peut absorber sont grandes. Pour faire du bleu (petite longueur d’onde), il faut absorber le rouge (grande longueur d’onde), donc de grandes molécules. Ce qui explique que les pigments bleus soient rares dans la nature et difficiles à synthétiser. Chez les papillons, on n’en trouve que chez de très rares espèces, comme les Graphium et certains Nymphalidae.

Nessaea batesii, un Nymphalidae, est un des rares papillons présentant un bleu d’origine pigmentaire sur les ailes antérieures. Il s’agit probablement d’une ptérobiline, un pigment biliaire. Serge Berthier, CC BY-NC-ND

L’énergie absorbée par les pigments est convertie majoritairement en chaleur. Ils participent donc aussi à la régulation thermique des papillons (qui se chauffent à l’énergie solaire).

L’origine des pigments est multiple : les mélanines (noires à jaunes) sont par exemple synthétisées par l’organisme lui-même, alors que d’autres sont issues des plantes nourricières des chenilles et participent à la coloration de l’« imago » après la mue. Certains pigments sont toxiques et protègent l’insecte contre les prédateurs – ce sont les couleurs dites « aposématiques ».

Émettre de la lumière

Les lucioles et les verres luisants émettent de la lumière à la suite d’une réaction chimique bien connue, la « bioluminescence ». Les papillons, eux, émettent de la lumière par « fluorescence » : certaines de leurs molécules émettent de la lumière visible sous des ultraviolets.

Les ailes postérieures du grand papillon des Philippines Troides magellanus fluorescent dans le vert-jaune. Cet effet s’ajoute à une impressionnante iridescence visible à forte incidence. @Serge Berthier, CC BY-NC-ND

L’efficacité de la fluorescence est généralement faible, mais c’est suffisant chez quelques espèces de papillons pour modifier leur apparence sous l’effet des UV solaires, par exemple chez le Morpho sulkowskyi, mythique papillon bleu d’Amazonie, ou le Troides magellanus des Philippines.

Des nanostructures pour des effets d’optique colorés

Les couleurs structurales, également appelées « couleurs physiques », sont créées par divers phénomènes optiques. Ce sont par exemple les interférences de film mince, comme celles que l’on observe sur une flaque d’huile sur un sol mouillé par exemple. De tels empilements de couches se trouvent chez de nombreux insectes, mais aussi sur des plumes (paon, gorge de pigeon) et des écailles de poisson (Ablette).

Papilio Neophilus olivencius. Ses écailles contiennent des structures photoniques en trois dimensions. Serge Berthier, CC BY-NC-ND

Les couleurs physiques peuvent également provenir de la diffraction par des réseaux de trait très rapprochés, comme sur un CD, ou la diffusion par de très petites particules, responsable du bleu du ciel, ou de nos yeux.

Les couleurs structurales ne sont pas liées à l’absorption (pigment), mais à la séparation des longueurs d’onde. Elles sont créées par des structures photoniques, c’est-à-dire des architectures périodiques dont la période est de l’ordre de grandeur des longueurs d’onde de la lumière. Elles sont généralement très brillantes, directives et saturées ; mais si les nanostructures sont désordonnées, les couleurs sont plus mâtes, et peu saturées.

Quand les Hommes utilisent les astuces des papillons

Depuis l’aube de l’humanité, ce sont les pigments qui ont coloré notre vie. Inconvénient mineur : beaucoup ne sont pas très stables et se dégradent sous l’action de la lumière. Plus grave : certains, et de plus en plus, sont considérés comme potentiellement cancérigènes, ce qui en interdit certaines applications, en particulier en cosmétique.

L’idée de faire des couleurs sans pigments fait donc florès ! Mais ces nanostructures colorées ont aussi bien d’autres propriétés : antibactériennes (les bactéries ne peuvent s’y déplacer), superhydrophobes (l’eau ne pénètre pas dans les structures : l’aile reste sèche), autonettoyantes. La nature est économe, et ici, multifonctionnelle.

Des nanostructures observées dans la nature inspirent les scientifiques. Ici, une aile de Polyommatus Icarus (Lycaenidae) vue au microscope. La membrane supérieure des écailles est constituée d’une structure spongieuse filaments de chitine extrêmement fins (100 nm) et entremêlés. Serge Berthier, CC BY-NC-ND

Autant de caractéristiques que nous aimerions bien développer sur nos surfaces artificielles : vitres, tissus, capteurs solaires. Hormis les structures les plus simples comme l’empilement de couches minces (dans les traitements antireflets de nos optiques par exemple), nous ne savons pas les réaliser, et les structures naturelles constituent une infinie source d’inspiration. Sans chercher à les utiliser directement, on peut les étudier, comprendre leur fonctionnement et tenter de les reproduire. Par exemple, les structures inspirées des papillons se retrouvent ainsi dans des fibres textiles.

Comment changer la couleur d’un objet

Si les couleurs pigmentaires sont immuables, celles qui résultent d’une nanostructure dépendent de sa géométrie et de l’indice otique des matériaux qui la composent.

En remplaçant l’air par un fluide autour d’un Morpho, on peut le faire changer de couleur. C’est l’indice des structures solide/air, n, qui est modifié. Serge Berthier, CC BY-NC-ND

Un changement d’orientation de la nanostructure modifie sa géométrie (une inclinaison suffit à modifier les épaisseurs traversées par la lumière) et crée de l’iridescence, une couleur qui varie selon le point de vue ou l’incidence de la lumière. On retrouve cette technique dans de nombreuses peintures de luxe pour les bateaux ou les automobiles.

Le changement d’indice est facilement réalisable dans des structures solide/air. Les changements de couleur sont drastiques et la technique est utilisée dans des détecteurs de vapeur. Une vapeur, même en trace, qui pénètre une structure photonique induit un changement de teinte mesurable et spécifique de la molécule.

Des idées pour nos écrans ?

Dans les écrans digitaux actuels de nos télévisions ou de nos smartphones, des pixels colorés rouges, vert et bleu, bloquent ou laissent passer sous l’effet d’un courant électrique les rayons lumineux d’une source placée à l’arrière. Cette source représente la plus grosse consommatrice d’énergie du dispositif. Il est possible de s’en passer en utilisant, comme les papillons, des pixels interférentiels qui réfléchissent ou pas la lumière extérieure. Chaque pixel se comporte comme une écaille de papillon dont on peut faire varier l’épaisseur à l’aide du courant électrique. En absence de courant électrique, un pixel bleu par exemple a une épaisseur produisant des interférences constructives dans le bleu ; au passage d’un courant, l’épaisseur diminue et les interférences deviennent destructives pour cette couleur.


Pour en savoir plus sur les nanostructures élaborées par le vivant, voir le livre de Serge Berthier, « Comment fait le gecko pour marcher au plafond », Belin Éditeur (2016).The Conversation

Serge Berthier, Professeur de physique, Sorbonne Université

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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