Tableau périodique des éléments de la Collection des minéraux de Sorbonne Université, à l'occasion d'une exposition sur Mendeleiev
  • The Conversation

Le tableau périodique des chimistes se confronte aux limites du système terre

Autrefois statique et figé dans une représentation un peu austère, le tableau périodique des éléments devient désormais dynamique, représentant la disponibilité des éléments chimique, l'impact de leur utilisation ou encore les enjeux géopolitiques qui les entourent.

Le tableau périodique des éléments chimiques est une image imprimée dans la mémoire de la plupart d’entre nous. Vision immuable des salles de classe de chimie, on l’imagine aisément gravé dans le marbre pour l’éternité.

Pas du tout ! Depuis 2019 (et l’anniversaire des 150 ans de sa création par Dmitri Mendeleïev), le tableau périodique fait l’objet d’une évolution remarquable.

De statique et figé dans sa représentation classique un peu austère, le tableau devient dynamique, réussissant à intégrer l’aspect évolutif de la disponibilité des éléments, les impacts de leur utilisation, ou les enjeux géopolitiques qui les entourent.

Une représentation visuelle…

En 2019, la société européenne de chimie (EuChemS, pour European Chemical Society), représentant plus de 160 000 chimistes de 51 sociétés chimiques nationales et d’autres organisations liées à la chimie en Europe, décide de faire évoluer la représentation du tableau périodique.

Pour cette occasion, elle décide de reprendre à son compte une modification de l’apparence du tableau proposée dans les années 1970. Au lieu d’être de simples rectangles de même taille, les cases prennent des bords arrondis, et une surface corrélée à l’abondance de chaque élément.

Puis, elle y ajoute une information codée par la couleur : verte, jaune, orange et rouge selon la criticité de la (sur-)utilisation vis-à-vis de la disponibilité… mais aussi, plus funeste, grise si l’élément est exploité dans des zones de conflits armés.

À titre d’exemple, on peut considérer le cas du cobalt (Co).

Cet élément est de plus en plus utilisé dans la production et le stockage d’énergies renouvelables (comme les aimants des turbines des éoliennes) ou dans les batteries des véhicules électriques.

Les données actuelles montrent que 83 % des ressources en cobalt pourraient être consommées entre 2013 et 2050 selon le scénario le plus défavorable ; des scénarios de mobilité soutenable abaissent ce chiffre à 62 %. Le cobalt a donc été classé en orange par l’EuChemS : « Menace croissante due à une utilisation accrue ».

En outre, on sait que ce métal est exploité très majoritairement en République Démocratique du Congo (70 % de la production minière en 2019) avec, notamment, des conditions de travail exécrables et qui incluent le travail des enfants. En y ajoutant les conflits qui agitent le pays, la classification du cobalt pourrait donc évoluer pour se colorer en gris (minéral exploité dans des zones de conflit). Des réflexions sont en cours sur ce sujet à l’EuChemS.

… et évolutive

L’évolution du tableau continue. En 2021, l’EuChemS ajoute une nouvelle question à son analyse, portant sur la durabilité des éléments. Le titre de son tableau périodique devient désormais « Les 90 éléments naturels qui composent notre monde : Combien en reste-t-il ? Y en a-t-il assez ? Est-ce durable ? »

Deux version du tableau (2019 et 2021). Un gros plan sur la case du carbone montre qu’elle passe du vert à un mélange vert/orange/gris
Entre sa première version (2019) et sa seconde version (2021), le tableau a modifié ses critères d’évaluation en rajoutant la notion de durabilité. European Chemical Society, CC BY-ND

En ajoutant la durabilité à la disponibilité, l’EuChemS manifeste une meilleure attention (ou moindre myopie…) à l’approvisionnement responsable dans la chimie, une science qui est aussi un maillon important de plusieurs chaînes de transformation et d’approvisionnement qui caractérisent notre monde.

Première cible de cette évolution 2021 du tableau périodique : le carbone. Jusqu’en 2019, son cas semblait réglé : le carbone est vert (offre abondante).

Évidemment, le carbone, c’est la vie ! Les plantes, les animaux, tous les êtres vivants sont basés sur leur ADN, qui est une molécule carbonée. Il n’est donc pas possible d’envisager la vie sans carbone.

Le tableau version 2019 tranche surtout la couleur du carbone sur son bilan comptable. Le carbone est quarante mille fois plus abondant dans la croûte terrestre (sous forme de composés inorganiques comme le calcaire) et deux fois plus abondant sous forme de composés précurseurs de carburants fossiles (tels le charbon, le gaz et le pétrole) que dans le vivant.

Et notre utilisation est (encore) bien en deçà des limites de disponibilités. Vert. Réglé.

Or, la combustion de ces ressources fossiles à base de carbone et le relargage subséquent de dioxyde de carbone (CO2) se produisent à une vitesse telle que les cycles naturels de fixation de CO2 par les plantes (photosynthèse) et par dissolution aquatique (dans les océans) ne peuvent la soutenir. Ceci conduit à une accumulation dangereuse de CO2 dans l’atmosphère, un fait majoritairement responsable du changement climatique anthropique que l’on vit aujourd’hui.

La verdure du carbone en prend alors un sérieux coup selon l’analyse 2021 de l’EuChemS : il y en a beaucoup (certes), mais son utilisation est-elle durable ?

À la suite d’une rencontre publique organisée par l’EuChemS en 2021 intitulée « L’élément Carbone : la clef d’une société durable », le carbone a été reclassifié par l’EuChemS de vert à tricolore. Il a ainsi été ajouté au vert de la disponibilité :

  • Le rouge pour la menace substantielle que la forte utilisation de combustibles fossiles à base de carbone fait peser sur le climat. Malgré des efforts, la part de ces combustibles fossiles représente encore près de 80 % de la consommation énergétique mondiale.

  • Le gris, parce les combustibles fossiles sont à l’origine de nombreux conflits armés ou que les revenus du pétrole et autres ressources fossiles servent à financer des conflits armés. Le conflit en Ukraine et les atermoiements de l’Union européenne pour arrêter les importations de gaz russe en sont l’exemple actuel le plus frappant.

Ce nouveau code couleur triple (vert, rouge et gris) pour le carbone reflète maintenant plus correctement la position particulière de cet élément : sa place majeure comme source d’activités humaines à l’échelle planétaire, mais aussi les problématiques posées par son utilisation anthropique trop importante, qui conduit à des enjeux géostratégiques et à des conséquences environnementales inquiétantes.

Vers une chimie plus responsable ?

La réflexion sur ce tableau n’est certainement pas terminée. D’autres éléments stratégiques pour la transition environnementale, comme le lithium (utilisé pour les batteries) ou l’azote (à la base des engrais, et donc un élément clé dans l’alimentation mais aussi dans l’eutrophisation et la pollution atmosphérique), font actuellement l’objet d’une réflexion par les chimistes européens pour favoriser une pensée publique et collective sur les limites planétaires.

L’objectif profond est d’amener plus d’éthique et de responsabilité dans les pratiques des chimistes et des ingénieures et ingénieurs chimistes, via une analyse qui prenne en compte la finitude des ressources planétaires, faisant écho à cette invitation de Andrew Revkin, citée par Peter Mahaffy dans ses réflexions sur le rôle des chimistes à l’époque de l’anthropocène :

« Considérez ceci : il y a deux milliards d’années, les cyanobactéries ont oxygéné l’atmosphère et ont puissamment perturbé la vie sur Terre… Mais elles ne le savaient pas. Nous sommes la première espèce à avoir une influence à l’échelle de la planète et à être conscientes de cette réalité. »


Xavier Carrier, Professeur de chimie, Sorbonne Université et Elsje Alessandra Quadrelli, Directrice de Recherche en chimie, Université Claude Bernard Lyon 1

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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