Cerveau féminin et masculin
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« Les stéréotypes de genre sont encore tenaces aujourd’hui »

Entretien avec Marie Lacroix, neuroscientifique et alumna de Sorbonne Université.

Marie Lacroix

« Les femmes sont moins bonnes en maths que les hommes », « les hommes sont mono-tâche ». Ces clichés sexistes persistent encore aujourd’hui. À l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, nous déconstruisons, avec Marie Lacroix, la croyance selon laquelle les performances cognitives seraient par nature différentes entre les sexes.

Alumna de Sorbonne Université et cofondatrice de Cog’X, cette docteure en neurosciences propose notamment des programmes d’accompagnement sur l’inclusion et la diversité avec l’approche des sciences cognitives.

Il existe des différences entre le cerveau des hommes et celui des femmes.

Marie Lacroix : Vrai. Nous observons en moyenne des différences, mais ces différences ne préfigurent en rien les performances cognitives de chaque sexe. Certaines régions du cerveau sont en moyenne plus volumineuses chez les femmes que chez les hommes, et inversement. Le volume cérébral des hommes est globalement plus important que celui des femmes. La matière grise est, quant à elle, en moyenne plus dense chez les femmes. Le développement et les caractéristiques neuropathologiques peuvent aussi différer en fonction des sexes, comme la maladie d’Alzheimer, les accidents vasculaires cérébraux, la sclérose en plaque, l’autisme, etc.

Mais ces différences visibles en moyenne ne sont pas des caractéristiques typiques d’un sexe ou de l’autre. Que l’on soit génétiquement XX ou XY, l’architecture de notre cerveau reste avant tout semblable. Notre cerveau est une sorte de mosaïque : pour chaque région cérébrale, un individu présente un degré variable de caractéristiques retrouvées davantage chez les femmes ou chez les hommes (connectivité, densité de matière grise, etc.). Cela se traduit par une grande diversité en termes de structure cérébrale même au sein d’une population de même sexe.

Les performances cognitives et intellectuelles diffèrent significativement entre les hommes et les femmes.

M. L. : Faux. Contrairement à ce que pensaient les premiers neuroscientifiques, une différence structurelle importante entre les sexes comme le volume cérébral ne permet pas d’expliquer les capacités cognitives : les scores de quotient intellectuel (QI) ou d’intelligence générale ne dépendent pas du sexe (à quelques détails près, qui ne sont pas forcément en faveur des hommes).

Par ailleurs, si certaines différences en termes de comportement apparaissent assez tôt dans l’enfance, nous ne devons pas en déduire des prédispositions naturelles pour telle ou telle activité. Par exemple, dès leurs premiers mois, les filles passent en moyenne plus de temps que les garçons à observer des visages qui leur sont présentés, et les jeunes garçons réussissent mieux des tests de rotation d’un objet dans l’espace (par exemple, reconnaître un objet après une rotation 3D) que les filles du même âge. Mais attention : ces résultats ne se généralisent pas à des tests similaires (par exemple, plier un objet en 2D) et encore moins à un domaine de compétences tel que l’ingénierie.

Les différences dans le cerveau entre les hommes et les femmes ont avant tout une origine biologique.

M. L. : Faux. Aujourd’hui nous considérons que la manière dont se développe notre cerveau et sa différenciation sexuelle, repose à la fois sur notre génétique (l’expression des gènes de nos chromosomes sexuels XX, XY, etc.), l’influence des hormones sexuelles aux différentes étapes de la vie et l’impact de l’environnement, potentiellement très différent pour les filles et les garçons. En interaction permanente, ces trois facteurs sont à l’origine des différences sexuelles dans le cerveau.

Grâce à la plasticité cérébrale, nos expériences de vie et notre environnement ont un impact majeur sur le développement de notre cerveau et de nos aptitudes. Pour les scientifiques, il est donc difficile de savoir si les différences de performances parfois observées entre femmes et hommes dans certains tests ou situations existent de façon innée ou sont dues à la construction genrée de l’individu.

Une différence structurelle cérébrale entre les sexes n’impliquent en rien des différences en termes de capacités cognitives.

En moyenne, l’éducation varie encore beaucoup aujourd’hui en fonction du sexe.

M. L. : Vrai. Cela crée un biais d’éducation. La prise de risque est, par exemple, davantage acceptée pour les garçons. Ils sont en moyenne autorisés à aller plus loin autour de chez eux assez tôt dans l’enfance. À l’inverse, les compétences liées au soin sont encouragées chez les filles, là où seules 35% des personnes, accepteraient, selon une enquête de 2011, que leur petit garçon réclame une poupée.

Le cerveau des filles ou des garçons n’a évidemment pas de prédisposition particulière pour le bricolage ou la cuisine : ce sont les expériences positives et répétées qu’elles et ils auront au cours de leur vie qui va déterminer le développement de certaines capacités, l’entraînement étant le facteur majeur de développement des compétences.

Les stéréotypes de genre peuvent avoir un impact sur les performances.

M. L. : Vrai : De nombreuses expériences de psychologie expérimentale ont mis en évidence un mécanisme appelé la « menace du stéréotype ». Ce mécanisme peut bloquer l’expression des compétences réelles lors d’un test et faire paraître des différences de performances individuelles là où il n’y en a pas intrinsèquement. Par exemple, dans une étude de 2007, une spécialiste de la cognition, Sian Beilock, a fait passer un test de mathématiques à deux groupes de filles. À la moitié du test, elle explique au premier groupe que l’objectif de l’expérience est de comprendre pourquoi les femmes sont moins bonnes que les hommes dans ce type de tâche, alors même que garçons et filles obtiennent des résultats similaires à ce test. À l’autre groupe, elle affirme qu’il s’agit d’un test de résolution de problème. Résultat : les performances du premier groupe s’effondrent alors que celles du second se maintiennent. La menace du stéréotype agirait comme une préoccupation qui utilise de l’espace mental ne pouvant être investi dans la tâche. Pire, cette menace limiterait l’effet bénéfique de l’entrainement sur les compétences.

Malheureusement les préjugés naturalistes et de stéréotypes de genre sont encore tenaces puisque, selon la même enquête, 30% des Français pensent toujours que les garçons sont naturellement meilleurs en maths et sciences, et les filles en lettres.

Pourquoi privilégier l'écriture égalitaire ?

Selon Marie Lacroix, les formes linguistiques utilisées pour se référer aux femmes et aux hommes peuvent façonner les comportements. Par exemple, lorsque les formes masculines sont utilisées de façon générique pour les deux sexes (comme « poste de Directeur »), les personnes qui postulent sont influencées par les représentations associées au masculin. On observe alors que les femmes ressentent davantage d’inadéquation avec le poste et soumettent moins leur candidature. L’utilisation des formes égalitaires, comme « Directeur/Directrice », sont, en revanche, associées à une plus grande inclusion cognitive des femmes (elles se sentent concernées). Elles affaiblissent les préjugés masculins dans les représentations mentales et aboutissent à davantage de candidatures féminines.

Du côté des ressources humaines, lorsque l’offre d’emploi concerne un poste à hautes responsabilités et est présenté avec des termes masculins comme « Directeur » ou « Directeur (h/f) » , les candidatures féminines sont inconsciemment perçues comme moins pertinentes que les candidatures masculines. Mais cette tendance disparait lorsque des termes masculins et féminins sont utilisés de façon explicite et symétrique (Directeur / Directrice). L’écriture égalitaire ou inclusive n’a donc rien de superflu.

Il est important d’avoir des modèles pour lutter contre les discriminations.

M. L. : Vrai. Pour pouvoir se projeter dans un métier ou une situation, il faut avoir des modèles. C’est pourquoi la représentativité des femmes à des postes importants ou dans des métiers scientifiques peut inciter les jeunes filles à s’investir dans le développement de certaines aptitudes et domaines académiques.

Une étude1 a, par exemple, montré que plus le taux de femmes travaillant dans la recherche publique et occupant des fonctions parlementaires était important dans un pays, et plus les filles de ce pays déclaraient avoir confiance dans leurs capacités mathématiques, valoriser cette matière et être motivée par ce domaine.
La représentativité des femmes dans tous types de professions aiderait donc à combattre les stéréotypes et créer une société plus égalitaire entre les genres.


1 Else-Quest NM, Hyde JS, Linn MC (2010) Cross-national patterns of gender differences in mathematics: A meta-analysis. Psychol Bull 136:103–127

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