Pollution de l’air en ville : comment connaître sa propre exposition ?
  • The Conversation

Pollution de l’air en ville : comment connaître sa propre exposition ?

Laurence Eymard, Sorbonne Université; Laure Turcati, Sorbonne Université et Sébastien Payan, Sorbonne Université

Estimer son exposition individuelle à la pollution de l’air urbaine représente encore un véritable défi, notamment en raison de limites techniques. Mais depuis quelque temps, de nouvelles démarches centrées sur l’humain viennent renouveler la façon d’aborder le problème.

Commençons par rappeler une évidence : la pollution atmosphérique tue. L’OMS indique que 7 millions de morts sont dus à la pollution atmosphérique chaque année dans le monde, principalement via des pathologies respiratoires et cardiovasculaires. L’air que nous respirons est-il toxique ? La réponse est oui.

Or, les citadins sont les plus exposés à ce risque de surmortalité, lié aux concentrations élevées que les polluants gazeux et particulaires peuvent atteindre. Les populations urbaines subissent, en effet, non seulement les pollutions issues de sources d’émission locales (transports urbains et chauffage principalement), mais aussi les pollutions diffuses transportées par les courants aériens sur de longues distances (émissions industrielles, pesticides, pollens, aérosols divers).

En France, plusieurs métropoles dépassent régulièrement les seuils réglementaires. L’État français a été condamné à plusieurs reprises pour « action insuffisante » par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), et un procès est en cours à Londres sur le rôle de la pollution dans le décès d’un enfant. Pourtant, nous ne partons pas de zéro, loin de là.

Des stations de référence aux microcapteurs

Depuis les années 1970, un vaste réseau de surveillance et de prévision de la qualité de l’air a été progressivement déployé sur l’ensemble du territoire national. Il s’appuie sur un parc de stations dites « de référence » et est géré à l’échelle de chaque région par des structures dédiées, les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air.

Les points de mesure sont peu nombreux, mais les instruments sont implantés dans des zones soigneusement choisies et les capteurs utilisés sont rigoureusement étalonnés et exploités. Les associations de surveillance utilisent également des modèles numériques ou statistiques pour estimer la répartition des principaux polluants dans la région considérée.

Cependant, si la rue dans laquelle vous habitez ne dispose pas d’une station de mesure, ce qui a de grandes chances d’être le cas, l’estimation fournie ne correspond en fait qu’à la moyenne statistique du quartier, elle-même élaborée à partir d’un inventaire des sources fixes et du trafic moyen horaire, en tenant compte de la météorologie du jour, le vent surtout.

Autrement dit, si vous cherchez à connaître votre exposition personnelle à la pollution de l’air à partir du dispositif de surveillance national, vous n’obtiendrez dans le meilleur des cas qu’une valeur moyenne, pour un polluant donné. Difficile d’en déduire une information fiable sur votre exposition personnelle à la « pollution de l’air » et encore moins au risque sanitaire que cette exposition représente pour vous.

Or, depuis quelques années, on observe l’arrivée sur le marché de « microcapteurs » qui portent avec eux la promesse d’une mesure précise et fiable de son exposition individuelle à la pollution de l’air. Ces instruments de mesure de petite taille et que l’on porte avec soi, accessibles au prix d’un smartphone, pourraient-ils changer la donne ?

Des limites à la conception, à la mesure et à l’utilisation

Un capteur se compose d’un système de détection pour un ou plusieurs polluants, par exemple une diode laser dont le faisceau est atténué ou diffusé par le passage des particules polluantes ; d’un système électronique pour enregistrer le signal ; d’un micro-ordinateur pour l’interpréter (par exemple, convertir l’atténuation du faisceau lumineux durant un temps donné en nombre de particules). Il collecte souvent aussi l’heure, la position, la température et l’humidité.

Les microcapteurs construits en fab lab ou fabriqués par des entreprises sont des instruments complexes. source ?, Author provided

Dans le cas des stations de référence, la « mesure » d’un polluant est un processus complexe qui nécessite de nombreux tests de qualification en amont ainsi qu’une maintenance coûteuse tout au long de sa durée de vie. Pour garantir la fiabilité des données générées, le capteur doit respecter des conditions d’usage particulières et doit être stationnaire le temps de la mesure notamment. Enfin, pour comparer les données de plusieurs capteurs, les conditions de mesures doivent être similaires : hauteur au-dessus du sol, entrée de l’air dans les capteurs, durée d’intégration des mesures primaires, entre autres.

Les microcapteurs individuels répondent à un cahier des charges différent : ils exploitent des détecteurs de moindre qualité, ils ne sont pas étalonnés régulièrement et ils fournissent des informations souvent intégrées sur une minute au moins pour avoir une précision acceptable. Leur usage est à chaque fois particulier : le capteur peut être en mouvement ou accroché différemment chaque jour par exemple.

Plus problématique encore, pour un modèle donné, chaque capteur se comporte différemment et il n’existe pas encore de stratégie d’étalonnage unique. De plus, tous les instruments sont sujets au phénomène de « dérive de la mesure », qui peut intervenir à des moments différents pour chaque capteur. Dans le cas des microcapteurs, il semblerait selon nos études que la dérive intervienne beaucoup plus rapidement que pour les instruments homologués pour différentes raisons, notamment la robustesse des principes de détection, la miniaturisation des composants de détection, la protection vis-à-vis de perturbations environnementales (température, humidité).

Enfin, l’utilisation de ces microcapteurs par des personnes non formées à leurs usages introduit une source d’erreur supplémentaire : la mauvaise manipulation, par exemple capteur dans la poche ou masqué par une écharpe.

Lorsque l’on fait l’acquisition d’un microcapteur pour son usage personnel, il est donc important de garder à l’esprit que l’on utilise un instrument qui, de facto, ne respecte pas les mêmes standards de qualité que les stations de référence.

Des limites à l’exploitation des mesures

Pour permettre un suivi fiable de sa propre exposition, il est nécessaire de contrôler la qualité des données du capteur. L’approche la plus courante consiste à demander aux porteurs de capteurs mobiles de se rendre périodiquement près d’une station de mesure fixe ou bien de comparer systématiquement les mesures des différents capteurs lorsqu’ils sont à proximité les uns des autres, pour effectuer un inter-étalonnage.

Une autre difficulté vient du fait que la détection d’un pic d’exposition extrême par le capteur mobile est souvent difficile à caractériser : s’agit-il du toast qui a brûlé dans le grille-pain ? Du camion à l’arrêt moteur allumé depuis 10 minutes ? En ayant connaissance de ces éléments contextuels et en les documentant sous la forme de métadonnées, il est possible d’éliminer les faux positifs a posteriori, mais cela implique une attention accrue et un travail supplémentaire au moment de la collecte. Le traitement des données représente donc un défi en soi. On peut y répondre en partie grâce à d’un protocole rigoureux, mais il faut y sensibiliser les usagers de microcapteurs.

Impliquer les individus dans l’estimation de leur exposition

Si, comme on l’a relevé, la plupart des difficultés rencontrées sont de nature technique, les solutions à ces mêmes problèmes pourraient bien reposer en partie sur un recentrage des dispositifs vers l’humain, en particulier à travers des « sciences citoyennes » ou « sciences participatives ».

Former les usagers à l’utilisation de leur instrument et les associer à la co-construction de connaissances est en effet triplement vertueux : une telle démarche représente à la fois un intérêt sociétal (implication citoyenne, développement de la culture scientifique), un intérêt industriel (feed-back utilisateurs, mise à l’épreuve des instruments dans un contexte scientifique), et bien sûr un intérêt scientifique, car cela permet d’augmentation le volume et la représentativité des données et la sécurisation de la qualité de données : les données générées deviennent plus exploitables et plus utiles pour tous.


Cet article a été co-écrit par Jérémy Hornung, de l’association PartiCitEnv’s (anciennement PartiCitaE).The Conversation

Laurence Eymard, Directrice de recherche CNRS émérite, chercheuse dans le domaine du climat, Sorbonne Université; Laure Turcati, Ingénieure de recherche en sciences participatives, Sorbonne Université et Sébastien Payan, Professeur, Sorbonne Université

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Préparer ma rentrée 2023-2024

Retrouvez toutes les étapes pour bien préparer votre rentrée, du dépôt de vos candidatures jusqu'au début de votre année universitaire.

Préparer ma rentrée slider

Candidater en première année de licence sur Parcoursup

Les candidatures en licence s'effectuent sur la plateforme nationale en ligne Parcoursup. Retrouvez le calendrier ainsi que nos fiches conseil pour vous accompagner lors des différentes étapes de la procédure.

Candidater en première année de master

Les candidatures en master s'effectuent à partir de cette année sur la plateforme nationale en ligne Mon Master. Retrouvez toutes les étapes à suivre pour effectuer vos recherches et candidater aux formations qui vous intéressent.

candidater première année de master


Quand nous nous sommes réveillés

Par Luba Jurgenson

Nuit du 24 février 2022 : invasion de l'Ukraine

La ville des enfants

Par Sophie Corbillé

Fantasmagorie du capital dans un parc d'attractions globalisé

Graduate

25 000

Étudiantes et étudiants

193

Parcours de licence

192

Parcours de master

13

Sites et campus

Formations

Découvrez toute notre offre de formation

Médecine

La faculté de Médecine assure l’enseignement des 3 cycles d’études médicales : de la PASS (intégrée à la faculté) au 3e cycle incluant des DES, DESC, DU et DIU. Les enseignements sont dispensés principalement sur deux sites : Pitié-Salpêtrière et Saint-Antoine. La faculté dispense également des enseignements paramédicaux : l’orthophonie, la psychomotricité et l’orthoptie. Le site Saint-Antoine intègre une école de sage-femme.

Etudier à | la faculté de Médecine

La diversité des étudiants et de leurs parcours est l’une de nos richesses. Sorbonne Université s’engage pour la réussite de chacun de ses étudiants et leur propose une large offre de formations ainsi qu’un accompagnement adapté à leur profil et à leur projet.

La vie associative

La diversité des étudiants et de leurs parcours est l’une de nos richesses. Sorbonne Université s’engage pour la réussite de chacun de ses étudiants.

21 393

usagers

17 527

étudiants

715

hospitalo-universitaires

12

centres de recherche

Chiffres-clés


Découvrir les dernières parutions

Toutes les parutions

Dans les pas de Jonas

Par Serge Uzan

L’algorithme de Jonas

Dupuytren

Par /Sous la direction de Julie Cheminaud et de Claire Crignon

Ou le musée des maladies

Sexe et violences

Par Danièle Tritsch, Jean Mariani

Comment le cerveau peut tout changer

Les extraordinaires pouvoirs du ventre

Par Harry Sokol

Un fabuleux voyage à la découverte des pouvoirs de notre microbiote.

Le Grand Livre des pratiques psychomotrices

Par Anne Vachez-Gatecel, Aude Valentin-Lefranc

La Psychomotricité

Par Françoise Giromini-Mercier, Suzanne Robert-Ouvray, Cécile Pavot-Lemoine, Anne Vachez-Gatecel

Apologie de la discrétion

Par Lionel Naccache

Comment faire partie du monde ?

Le Grand Livre des pratiques psychomotrices

Par Anne Vachez-Gatecel, Aude Valentin-Lefranc

Fondements, domaines d'application, formation et recherche

Je marche donc je pense

Par Roger-Pol Droit et Yves Agid

La recherche en temps d'épidémie

Par Patrice Debré

Du sida au Covid, histoire de l'ANRS

Neurosciences cognitives

Par / Sous la direction de Mehdi Khamassi

La médecin

Par Karine Lacombe, Fiamma Luzzati

Une infectiologue au temps du corona

Le Cinéma intérieur

Par Lionel Naccache

Projection privée au cœur de la conscience

Des formations riches et exigeantes

La faculté accompagne plus de 20 000 étudiantes et étudiants vers le monde professionnel grâce à une très large offre de formations adossées à la recherche, disciplinaires et interdisciplinaires, afin de répondre à tous les défis, scientifiques, technologiques et sociétaux.

Son cycle d’intégration pluridisciplinaire et son dispositif majeure-mineure en licence, ses 80 parcours de masters, ses formations internationales, ses cursus en apprentissage et son offre de formation continue permettent de proposer des parcours riches et exigeants, adaptés aux projets de chacun, nourris par les recherches de ses enseignantes-chercheuses, enseignants-chercheurs, chercheurs et chercheuses.

Recherche

Couvrant tous les champs de la connaissance en sciences et ingénierie, la Faculté des Sciences et Ingénierie soutient la recherche au cœur des disciplines, la recherche aux interfaces, le développement de partenariat avec les entreprises, et favorise l'émergence de nouvelles thématiques pour répondre aux grands enjeux  du XXIe siècle.

La vie à | la Faculté des Sciences et Ingénierie

Que ce soit sur le campus Pierre et Marie Curie, ou dans ses trois stations biologiques, à Banyuls, Roscoff et Villefranche, la Faculté des Sciences et Ingénierie constitue à la fois un lieu d'enseignement, de recherche et d'épanouissement intellectuel, où cours, conférences, colloques, congrès, expositions et autres manifestations scientifiques rythment la vie de ses étudiants et de ses personnels.

La vie associative à la faculté des Sciences et Ingénierie

Vie associative

Découvrez la vie associative de la Faculté des Sciences et Ingénierie.



Les mondes de Saturne

Par Sébastien Charnoz, Sandrine Vinatier, Sandrine Guerlet, Alice Le Gall

Les mystères de Saturne révélés !

Du Laboratoire Arago à l'Observatoire océanologique de Banyuls

Par / Sous la direction de Guy Jacques et de Yves Desdevises

Une épopée humaine et scientifique

Stem Cell Biology and Regenerative Medicine

Par Charles Durand & Pierre Charbord

River Publishers Series in Biotechnology and Medical Technology Forum