• Communiqué de presse

Même à faibles doses, l’exposition au perturbateur endocrinien DEHP altère le développement des dents

Certains perturbateurs endocriniens ont déjà été associés à une altération de la qualité de l’émail des dents. Après avoir montré les effets délétères du bisphénol A sur le développement des dents, une équipe de chercheurs et chercheuses de l’Inserm, d’Université Paris Cité et de Sorbonne Université, au sein du Centre de Recherche des Cordeliers à Paris, en collaboration avec le CNRS[1], s’est désormais penchée sur les effets du DEHP, un perturbateur endocrinien de la famille des phtalates, sur le développement dentaire. L’utilisation du DEHP est fortement réglementée mais il est encore retrouvé dans les contenants alimentaires et certains dispositifs médicaux tels que les équipements des unités de soins intensifs en néonatologie. Les scientifiques ont montré que les dents de souris exposées quotidiennement à de faibles doses de cette substance présentent des défauts dont l’intensité et la prévalence dépend de la dose d’exposition et du sexe de l’animal, les mâles étant plus susceptibles de développer des altérations dentaires que les femelles. Cette découverte confirme l’intérêt d’envisager les défauts de l’émail dentaire comme marqueur précoce d’exposition à des toxiques environnementaux. Cette étude fait l’objet d’une publication dans la revue Environmental Health Perspectives.

Les changements environnementaux considérables des dernières décennies ont un impact sur la santé et le bien-être des populations ainsi que sur tous les organismes vivants. Trouver des marqueurs d’exposition aux substances toxiques présentes dans l’environnement est donc un enjeu de taille pour la recherche.

La littérature scientifique suggère que l’émail dentaire pourrait figurer parmi ces marqueurs. En effet, l’analyse de l’émail permet par exemple une évaluation rétrospective des conditions environnementales : soit en identifiant la présence de polluants piégés dans le minéral, soit en distinguant des défauts de l’émail liés à des altérations de l’activité cellulaire survenues au cours de sa formation.

L’exposition à des perturbateurs endocriniens comme le bisphénol A a déjà été associée à une pathologie de l’émail, appelée hypominéralisation des molaires et incisives (MIH), et retrouvée chez environ 15 % des enfants de 6 à 8 ans. D’autres substances font l’objet de surveillance. C’est le cas du DEHP, un perturbateur endocrinien qui, malgré les réglementations et les interdictions, peut encore être présent dans de nombreux dispositifs médicaux et notamment les équipements dans les unités de soins intensifs en néonatalogie[2].

Le DEHP appartient à la famille des phtalates, des composés chimiques couramment utilisés comme assouplissant des matières plastiques. Les phtalates peuvent être retrouvés dans les contenants alimentaires, les biens de consommation, les jouets, les cosmétiques et les dispositifs médicaux. Le 23 novembre 2021[3], la Commission européenne a publié le Règlement n° 2021/2045 modifiant l’annexe XIV en ajoutant des propriétés de perturbation endocrinienne au DEHP, au BBP, au DBP et au DIBP. Suite à ces modifications, certains usages précédemment exemptés doivent faire l’objet d’une autorisation, dont « les dispositifs médicaux et les matériaux en contact avec les aliments comportant du DEHP ».

Compte tenu de la présence répandue du DEHP, de la contamination potentielle par le DEHP des enfants (dont la formation des dents est en cours) et des données antérieures sur les effets de certains perturbateurs endocriniens sur l’émail, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, de l’Université Paris Cité et de Sorbonne Université, au sein du Centre de Recherche des Cordeliers, en collaboration avec le CNRS, ont voulu explorer les effets potentiels du DEHP.

Dans cette étude menée chez la souris, les scientifiques ont observé les effets d’une exposition journalière au DEHP, à faibles doses et à doses plus élevées. Ces doses étaient équivalentes à celles qu’on peut retrouver dans le cadre d’une exposition environnementale :
-    5 microgrammes/kilo/jour : niveau d’exposition quotidienne estimée d’un enfant au DEHP ;
-    50 microgrammes/kilo/jour : niveau d’exposition chez les patients hospitalisés sous perfusion ou dialyse par exemple.

Après 12 semaines d’exposition, des défauts ont été repérés sur les incisives du rongeur, des dents qui ont la particularité d’être en croissance continue[2], et qui représentent le modèle expérimental idéal pour l’étude d’une denture en développement. Moins minéralisées et moins dures, les dents des souris exposées traduisaient une altération de la qualité de l’émail d’autant plus importante que le niveau d’exposition au DEHP était élevé.

Pour compléter ces données, les chercheurs et chercheuses ont ensuite observé aux niveaux cellulaire et moléculaire les effets de cette exposition au DEHP. Ils ont identifié un retard de minéralisation de l’émail associé à une altération de l’expression des gènes clés dans la formation de l’émail. Autre particularité de l’étude, les scientifiques ont comparé l’impact de l’exposition selon le sexe de l’animal et ont observé une susceptibilité plus importante chez les mâles.

Le DEHP a donc perturbé le développement de l’émail chez les souris en agissant directement sur les cellules dentaires avec une prévalence et une gravité plus élevées chez les mâles que chez les femelles.

Enfin, les scientifiques soulignent que les effets observés sur les dents en croissance de rongeurs exposés au DEHP ou au bisphénol A présentent des points communs (altération de la qualité de l’émail, susceptibilité plus importante des mâles) et des différences quant aux cellules ciblées et aux mécanismes moléculaires impliqués.

Ces données expérimentales devront être consolidées mais suggèrent que le DEHP, comme le bisphénol A, pourrait également contribuer aux pathologies hypominéralisantes de l’émail telles que la MIH.

« On sait que la période périnatale et les premières années de la vie après la naissance sont déterminantes pour le développement de l’enfant et la santé de l’adulte qu’il deviendra. L’émail dentaire pourrait être le reflet très précoce des conditions environnementales des individus à ce moment de la vie », explique Sylvie Babajko, directrice de recherche à l’Inserm et dernière auteure de l’étude.

Pour l’équipe de recherche, la prochaine étape est désormais de comprendre les effets de combinaisons de différentes classes de molécules – ou « effets cocktails » – sur la santé dentaire.

Coupe sagittale d’une incisive de souris exposée au DEHP montrant un retard de minéralisation de l’émail en formation, couche brune située entre la matrice protéique en rose et la dentine en vert. © Sylvie Babajko/Inserm
Coupe sagittale d’une incisive de souris exposée au DEHP montrant un retard de minéralisation de l’émail en formation, couche brune située entre la matrice protéique en rose et la dentine en vert. © Sylvie Babajko/Inserm

[1] Ont participé à ces résultats le Laboratoire de physiopathologie orale moléculaire (Centre de Recherche des Cordeliers/INSERM/Université Paris Cité/Sorbonne Université), le Laboratoire de recherche biomédicale en odontologie (BRIO, UPR2496/Université Paris Cité), l’Institut de chimie physique (ICP, CNRS/Université Paris-Saclay), le Laboratoire de mécanique Paris-Saclay (LMPS, CNRS/CentraleSupélec/ENS Paris-Saclay) et le Laboratoire de neuroscience Paris Seine de l’Institut de biologie Paris Seine (IBPS, CNRS/Inserm/Sorbonne Université).
[2] Malarvannan G, Onghena M, Verstraete S, et al. Phthalate and alternative plasticizers in indwelling medical devices in pediatric intensive care units. J Hazard Mater. 2019; doi:10.1016/j.jhazmat.2018.09.087
[3]https://substitution-phtalates.ineris.fr/fr/information-reglementaire  
[4] Les dents de ces animaux croissent de façon continue, tout au long de leur vie, contrairement aux dents de l’Homme.

Références :

Use of dental defects associated with low-dose di(2-ethylhexyl)phthalate as an early marker of exposure to environmental toxicants
Ai Thu Bui1*, Sophia Houari1,2, Sophia Loiodice1,2, Dominique Bazin3, Jérémy Sadoine4, Nicolas Roubier5, Elsa Vennat5, Thu Thuy Tran6, Ariane Berdal1,2, Jean-Marc Ricort1, Sakina Mhaouty-Kodja7, and Sylvie Babajko1

1 Centre de Recherche des Cordeliers, Inserm UMRS 1138, Université Paris Cité, Sorbonne Université, Laboratory of Molecular Oral Pathophysiology, F-75006 Paris, France.
2 Université Paris Cité, Dental Faculty, Department of Oral Biology, F-75006 Paris, France.
3 Université Paris-Saclay, Laboratory of Chemistry and Physics, F-91405 Orsay, France.
4 Université Paris Cité, Dental school, UPR 2496 Laboratory of Orofacial Pathologies, Imaging and Biotherapies, F-92120 Montrouge, France.
5 Laboratory of Mechanics and Technology (LMPS), CNRS, Centrale-Supélec, Université Paris-Saclay.
5 Institut Curie, INSERM U1196, Université Paris-Saclay, F-91405 Orsay, France.
6 Faculty of Odonto-Stomatology, Ho Chi Minh University of Medicine and Pharmacy, Ho Chi Minh Ville, Vietnam.
7 Sorbonne Université, CNRS, INSERM, Neuroscience Paris Seine – Institut de Biologie Paris-Seine, 75005 Paris, France
Environmental Health Perspectives, juin 2022
DOI : https://doi.org/10.1289/EHP10208

Environmental Health Perspectives, juin 2022
DOI : https://doi.org/10.1289/EHP10208

 

Préparer ma rentrée 2023-2024

Retrouvez toutes les étapes pour bien préparer votre rentrée, du dépôt de vos candidatures jusqu'au début de votre année universitaire.

Préparer ma rentrée slider

Candidater en première année de licence sur Parcoursup

Les candidatures en licence s'effectuent sur la plateforme nationale en ligne Parcoursup. Retrouvez le calendrier ainsi que nos fiches conseil pour vous accompagner lors des différentes étapes de la procédure.

Candidater en première année de master

Les candidatures en master s'effectuent à partir de cette année sur la plateforme nationale en ligne Mon Master. Retrouvez toutes les étapes à suivre pour effectuer vos recherches et candidater aux formations qui vous intéressent.

candidater première année de master


Quand nous nous sommes réveillés

Par Luba Jurgenson

Nuit du 24 février 2022 : invasion de l'Ukraine

La ville des enfants

Par Sophie Corbillé

Fantasmagorie du capital dans un parc d'attractions globalisé

Graduate

25 000

Étudiantes et étudiants

193

Parcours de licence

192

Parcours de master

13

Sites et campus

Formations

Découvrez toute notre offre de formation

Médecine

La faculté de Médecine assure l’enseignement des 3 cycles d’études médicales : de la PASS (intégrée à la faculté) au 3e cycle incluant des DES, DESC, DU et DIU. Les enseignements sont dispensés principalement sur deux sites : Pitié-Salpêtrière et Saint-Antoine. La faculté dispense également des enseignements paramédicaux : l’orthophonie, la psychomotricité et l’orthoptie. Le site Saint-Antoine intègre une école de sage-femme.

Etudier à | la faculté de Médecine

La diversité des étudiants et de leurs parcours est l’une de nos richesses. Sorbonne Université s’engage pour la réussite de chacun de ses étudiants et leur propose une large offre de formations ainsi qu’un accompagnement adapté à leur profil et à leur projet.

La vie associative

La diversité des étudiants et de leurs parcours est l’une de nos richesses. Sorbonne Université s’engage pour la réussite de chacun de ses étudiants.

21 393

usagers

17 527

étudiants

715

hospitalo-universitaires

12

centres de recherche

Chiffres-clés


Découvrir les dernières parutions

Toutes les parutions

Dans les pas de Jonas

Par Serge Uzan

L’algorithme de Jonas

Dupuytren

Par /Sous la direction de Julie Cheminaud et de Claire Crignon

Ou le musée des maladies

Sexe et violences

Par Danièle Tritsch, Jean Mariani

Comment le cerveau peut tout changer

Les extraordinaires pouvoirs du ventre

Par Harry Sokol

Un fabuleux voyage à la découverte des pouvoirs de notre microbiote.

Le Grand Livre des pratiques psychomotrices

Par Anne Vachez-Gatecel, Aude Valentin-Lefranc

La Psychomotricité

Par Françoise Giromini-Mercier, Suzanne Robert-Ouvray, Cécile Pavot-Lemoine, Anne Vachez-Gatecel

Apologie de la discrétion

Par Lionel Naccache

Comment faire partie du monde ?

Le Grand Livre des pratiques psychomotrices

Par Anne Vachez-Gatecel, Aude Valentin-Lefranc

Fondements, domaines d'application, formation et recherche

Je marche donc je pense

Par Roger-Pol Droit et Yves Agid

La recherche en temps d'épidémie

Par Patrice Debré

Du sida au Covid, histoire de l'ANRS

Neurosciences cognitives

Par / Sous la direction de Mehdi Khamassi

La médecin

Par Karine Lacombe, Fiamma Luzzati

Une infectiologue au temps du corona

Le Cinéma intérieur

Par Lionel Naccache

Projection privée au cœur de la conscience

Des formations riches et exigeantes

La faculté accompagne plus de 20 000 étudiantes et étudiants vers le monde professionnel grâce à une très large offre de formations adossées à la recherche, disciplinaires et interdisciplinaires, afin de répondre à tous les défis, scientifiques, technologiques et sociétaux.

Son cycle d’intégration pluridisciplinaire et son dispositif majeure-mineure en licence, ses 80 parcours de masters, ses formations internationales, ses cursus en apprentissage et son offre de formation continue permettent de proposer des parcours riches et exigeants, adaptés aux projets de chacun, nourris par les recherches de ses enseignantes-chercheuses, enseignants-chercheurs, chercheurs et chercheuses.

Recherche

Couvrant tous les champs de la connaissance en sciences et ingénierie, la Faculté des Sciences et Ingénierie soutient la recherche au cœur des disciplines, la recherche aux interfaces, le développement de partenariat avec les entreprises, et favorise l'émergence de nouvelles thématiques pour répondre aux grands enjeux  du XXIe siècle.

La vie à | la Faculté des Sciences et Ingénierie

Que ce soit sur le campus Pierre et Marie Curie, ou dans ses trois stations biologiques, à Banyuls, Roscoff et Villefranche, la Faculté des Sciences et Ingénierie constitue à la fois un lieu d'enseignement, de recherche et d'épanouissement intellectuel, où cours, conférences, colloques, congrès, expositions et autres manifestations scientifiques rythment la vie de ses étudiants et de ses personnels.

La vie associative à la faculté des Sciences et Ingénierie

Vie associative

Découvrez la vie associative de la Faculté des Sciences et Ingénierie.



Les mondes de Saturne

Par Sébastien Charnoz, Sandrine Vinatier, Sandrine Guerlet, Alice Le Gall

Les mystères de Saturne révélés !

Du Laboratoire Arago à l'Observatoire océanologique de Banyuls

Par / Sous la direction de Guy Jacques et de Yves Desdevises

Une épopée humaine et scientifique

Stem Cell Biology and Regenerative Medicine

Par Charles Durand & Pierre Charbord

River Publishers Series in Biotechnology and Medical Technology Forum